RÉGIME COMMUNAUTAIRE ET RÉGIME SÉPARATISTE : ce qui est à toi est à moi ou ce qui est à moi demeure à moi ?

Les époux connaissent souvent le nom de leur régime matrimonial.

Mais le liquider au cours ou après un divorce est une tâche bien plus complexe.

Lorsqu’aucun contrat de mariage n’est rédigé, les époux sont placés automatiquement sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts : ce qui est à toi est à moi et inversement, sauf donation, héritage, biens personnels existants au jour du mariage qui restent des biens propres et ne tombent pas en communauté.

Dans le régime de la séparation des biens, chacun est propriétaire de son patrimoine, de ses revenus, de ses économies, de ses dettes : ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à toi.
Cependant, la surprise est grande au moment du divorce, car la jurisprudence de la Cour de Cassation n’est plus, depuis 2013, aussi simple que cela.

La liquidation des régimes de séparation de bien peut même amener à dire que le régime séparatiste est devenu plus communautaire que ce dernier…avec les mauvaises surprises pour les futurs ex-époux qui, parce qu’ils avaient conclu un contrat de mariage de séparation de biens, se pensaient à l’abri de toute revendication de leur conjoint.

La jurisprudence de la Cour de cassation depuis de célèbres arrêts du 15 mai 2013 doit être connue de tout avocat en droit de la famille.

Dans cette espèce, le contrat de mariage prévoyait de manière très classique que les charges étaient réputées avoir été réglées au jour le jour, ce qui signifie que les époux choisissaient de ne pas faire de comptes entre eux sur dépenses de la vie courante qu’implique la vie en commun : dépenses de nourriture, habillement, santé, éducation des enfants, etc.

Par ailleurs, un seul des époux, le mari, remboursait avec son salaire le crédit immobilier relatif à l’achat et aux travaux du domicile conjugal acheté à 50% par chacun des membres du couple.

Au moment du divorce, le mari entend faire valoir des droits plus importants dans le cadre du partage des fonds issus de la vente de la maison, puisqu’il l’avait financée seul par le biais du remboursement du crédit immobilier, ce qui semblait tout à fait cohérent sous un régime de séparation de biens.

C’est alors que la Cour de cassation a jugé que le remboursement du crédit immobilier relevait de la contribution aux charges du mariage !

Les époux devaient donc se partager par moitié le prix de vente : le mari ne peut pas invoquer une créance à l’égard de son épouse.

Puis, la même solution a été étendue au logement secondaire à la condition qu’il soit affecté à l’usage de la famille.

Allant plus loin, en 2018, la Cour de cassation avait appliqué le même raisonnement alors que les travaux de rénovation avaient été financés par des deniers personnels provenant d’un « capital propre » du mari.

Si ce « capital propre » provient d’une donation, d’un héritage, de biens personnels existants au jour du mariage, cela signifie que la moitié revient à l’épouse, ce qui n’aurait pas été le cas en régime de communauté.

Or, nul n’est censé contribuer aux charges du mariage en puisant dans son capital.

Le régime de séparation de biens devenait alors encore plus communautaire que le régime de communauté et refuserait les rétablissements financiers là où une récompense serait forcément comptée en régime légal.

Revenant à un raisonnement plus confortable intellectuellement, par un arrêt du 3 octobre 2019, la Cour de cassation a rappelé que les apports personnels sont toujours remboursables.

La solution, pour l’époux séparé de bien qui a financé le bien immobilier avec ses revenus, est aujourd’hui de faire plaider la sur contribution aux charges du mariage, même en présence de la fameuse clause dans le contrat de mariage. Cela est admis depuis 2018.

Le demandeur au remboursement doit prouver qu’il a trop contribué, en prouvant cumulativement qu’il a payé la part de son conjoint et le quotidien du ménage. Mais s’il a pu se constituer un patrimoine personnel en marge de sa contribution, il est peu probable que la demande prospère.

Ce sera d’ailleurs sans doute la meilleure défense à opposer du côté du défendeur.